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Recyclage : une réponse à la hauteur de l’enjeu ?

Aujourd’hui, impossible de ne pas avoir connaissance des enjeux environnementaux liés à l’accumulation des déchets. Cependant, il est encore difficile d’en appréhender la mesure, car le traitement de nos détritus quotidiens les rend invisibles une fois mis dans nos poubelles. Nous devons faire face à une croissance exponentielle du volume des déchets. L’urgence porte surtout sur le plastique, qui est aujourd’hui partout, mais qui a de lourdes conséquences environnementales.

Le recyclage est souvent présenté comme la solution à ce problème. Mais qu’en est-il réellement ? Comment nos déchets sont-ils traités ? Est-ce que le recyclage est une solution suffisante pour sortir de la dépendance énergétique ? Le rêve de l’économie circulaire est-il atteignable ?

Petit point sur là où nous en sommes et sur les options de développement comme les bioplastiques.

L’accumulation des déchets, une réalité alarmante

Nous jetons en moyenne, en France, environ 1kg de déchets par jour et par personne, soit 354 kg par an. Ce chiffre monte à 568kg par an et par habitants si l’on intègre les déchets municipaux, qui viennent des activités économiques de la ville et qui suivent le même circuit de collecte et de traitement que les ordures ménagères. En rajoutant tous les déchets des entreprises et industries, nous arrivons à un total de 13,8 tonnes de déchets par an et par habitant.

Selon le CNIID, en France en moyenne 30% de nos déchets sont incinérés, 36% sont envoyés en décharges, 14% partent au compostage ou à la méthanisation (déchets organiques) et les 20% restants sont revalorisés grâce au recyclage.

Ainsi, les deux tiers des ordures ménagères sont encore enfouis ou brûlés, ce qui participe à la pollution des eaux, des sols, de l’air et à l’émission directe de gaz à effet de serre. A elles seules, les décharges représentent environ 16 % des émissions de méthane de notre pays et une part importante de la pollution des sols et des eaux. 

Bien que la combustion soit utilisée pour créer de l’énergie, produisant de la chaleur et de l’électricité, l’incinération des déchets génère une quantité considérable de CO2, et la combustion entraîne la formation de résidus solides, notamment le mâchefer, un composé de polluants hautement toxiques qu’aucun mode de gestion ne permet vraiment à l’heure actuelle d’empêcher de polluer les sols et les nappes phréatiques.

En occident, la production d’ordures ménagères a doublé en 40 ans. Rien que pour le plastique, il aura fallu trente ans, entre 1950 et 1980, pour produire le premier milliard de tonne de plastique. Depuis, on produit un milliard de tonne de plastique supplémentaire tous les trois ans et pour environ la moitié, le plastique est destiné à des objets à usage unique. Cet accroissement exponentiel des déchets challenge la capacité des pays à les traiter. Depuis des années, les États-Unis, le Canada ou l’Europe exportent quotidiennement des milliers de tonnes de déchets vers la Chine, les Philippines, la Malaisie ou l’Indonésie en vue d’y être recyclés. Mais les capacités de traitement de ces pays arrivent elles aussi à saturation : nos détritus exportés atterrissent alors souvent dans des décharges sauvages à ciel ouvert. Afin d’éviter cela, les pays d’Asie du Sud-Est refusent un à un d’accueillir les déchets venus de l’Occident.

Le recyclage est aujourd’hui largement accessible, tout le monde en parle, tout le monde connaît le tri sélectif. Mais une fois nos poubelles collectées, que deviennent nos déchets ménagers ?

Recyclage des déchets, où en est-on ?

Tous les déchets ménagers recyclables suivent le même processus. Cela commence par le tri à domicile, puis les poubelles sont envoyées dans un centre de tri où des professionnels séparent les ordures par composition. Une fois les ordures finement triées, elles peuvent être transformées et revalorisées.

Le papier, le verre, le plastique et l’acier sont les grandes catégories de déchets recyclés. Mais, en termes de recyclage, tous les déchets ne se valent pas. En effet, certains matériaux sont plus faciles à revaloriser que d’autres.

Certaines filières de traitement des déchets revalorisables sont aussi plus développées que d’autres, ce qui permet une meilleure prise en charge de nos ordures.

Le recyclage du papier/carton

Selon l’ADEME, le papier et le carton sont recyclés et recyclables à 92%. En 2018 en France, nous recyclions 68% des papiers et cartons. Les papiers, les cartons ou les emballages alimentaires sont d'abord broyés puis brassés dans une grande cuve remplie d'eau pour séparer les fibres de cellulose des autres matériaux. La bouillie formée est débarrassée de ses impuretés, plastique, vernis, colle, agrafes, aluminium, dans une sorte de tamis. Puis la pâte est lavée pour retirer l'encre, étalée et séchée pour être mise en bobine. Ces dernières seront ensuite transformées par des sociétés spécialisées pour devenir des livres, journaux, papier toilette, tapisserie, serviettes en papier, papier cadeau, enveloppe kraft, ou même des meubles grâce à la transformation en panneaux d’aggloméré !

Le recyclage de l’acier

L’acier se recycle à l’infini sans altération de ses propriétés ni perte de poids, ce qui en fait un très bon candidat au recyclage. Il est également très bien géré par les filières françaises : 100% de l’acier est revalorisé, ce qui représente l'équivalent en acier de 1 200 Tour Eiffel ! Le recyclage de l’aluminium est quant à lui moins élevé, puisque seulement 44% est recyclé (CITEO). L’acier et l’aluminium arrive en recyclerie sous forme de canettes, boîtes de conserve, bombes aérosol etc. Ces objets sont d'abord broyés puis passent dans un four à basse température pour éliminer les impuretés, la laque, le vernis, ou les étiquettes, puis dans un four à haute température pour les fondre à 1600° C. L'acier ou l'aluminium fondu est ensuite étiré sur une table : l'acier sous forme de plaques, bobines, barres ou fils, l'aluminium sous forme de plaques ou de lingots. Ils seront ensuite transformés par des sociétés spécialisées. L'acier sera transformé en boîtes de conserve, canettes, en appareils ménagers, en armatures pour béton, structures métalliques, en pièce automobile. L'aluminium sera transformé en boîtes de conserve, canettes, en papier aluminium, barquettes, en bombes aérosol, en fenêtres, portes, gouttières, ustensiles de cuisine, ou en pièce automobile.

Le recyclage de l'acier apporte des avantages environnementaux évidents : une tonne d'acier recyclé économise plus de deux fois son poids en matière première, 70 % de son poids en énergie, et permet d'éviter 57 % des émissions de CO2 et 40 % de la consommation énergétique nécessaire à la production d'une tonne d'acier primaire.

Le recyclage du verre

Le verre fait aussi partie des meilleurs matériaux pour le recyclage car il est revalorisable à l’infini. En France, les trois quarts des emballages en verre sont recyclés (ADEME). Mais cela exclut le cristal, les miroirs, les plats en Pyrex et même la vaisselle en verre, qui sont des mélanges de matériaux. Le recyclage commence donc toujours par une étape de tri professionnel pour retirer les objets qui ne sont pas en verre pur. Un tri mécanique élimine ensuite les capsules, les débris de faïence, de porcelaine, les bouchons, papiers. Puis le verre est broyé et transformé en calcin. Ce dernier est fondu dans un four à une température de 1400°C, associé à de la silice, de la soude, du calcaire et des colorants. La pâte en fusion passe dans un moule où elle est soufflée en forme de bouteilles, de bocaux, ou de flacons, avant de refroidir.

Le recyclage du plastique

Les emballages plastiques arborant le symbole recyclable se multiplient, mais que se cache-t-il derrière ce logo ? Car le plastique est un matériau complexe, il en existe de multitude. Seuls 5 types de plastique sont recyclables : le PVC, le polyéthylène, le polystyrène, le PET et le polypropylène. Pour l’heure, seul le plastique PET se recycle à 100 % et sans perdre en qualité. 

Dans les déchets ménagers, on trouve surtout du polyéthylène (PE). Il y en a 2 types :

  • Le PE transparent : PET (Polyéthylène Téréphtalate).il est résistant aux chocs, de faible poids, imperméable à l'eau, aux gaz et aux arômes.
  • Le PE opaque : PEHD (Polyéthylène Haute Densité). Il est opaque ou translucide, rigide, résistant aux chocs, aux corps gras et produits chimiques.

Pour être recyclées, les bouteilles en PE sont d’abord nettoyées avec de la vapeur pour décoller les étiquettes et enlever les impuretés. Les bouteilles et les bouchons sont ensuite broyés en paillettes. Celles-ci sont ensuite lavées pour enlever la colle. Placées dans l'eau où l’on va pouvoir différencier les deux types de plastique : le PEHD va flotter alors que le PET va couler. Les paillettes de PET sont ensuite pressées et séchées et celle de PEHD sont fondues puis coupés en granulés gris. Les paillettes et les granulés seront ensuite transformées par des sociétés spécialisées en nouvelles bouteilles, en fibres polyester pour la fabrication de tissus, moquettes, polaires, en ouate pour rembourrer des anoraks, couettes, oreillers...

Chaque année, 5 millions de tonnes de plastique sont utilisés en France. Mais concernant les emballages ménagers, seuls 26 % sont recyclés.

Ce taux est encore faible car le plastique n’est pas encore collecté partout sur le territoire Français et les infrastructures doivent encore modernisées pour permettre d’augmenter le volume géré.

Mais la collecte n’est pas le seul problème : les emballages plastique sont souvent issus de mélanges de différents types de plastiques et aujourd’hui, on ne sait pas encore dissocier ces matériaux les uns des autres.

Pour le métal, le processus d’extraction du fer est extrêmement polluant car la séparation des minerais nécessite des produits chimiques qui sont stockés dans des bassins de rétention représentant des risques de pollution à long terme.

Concernant le verre, c’est surtout le transport du sable siliceux venant des carrières qui représente le plus fort impact environnemental. Une tonne de verre recyclé économise plus de 500 kg de CO2. Le verre est un excellent matériau pour le recyclage car il ne se dégrade pas et est très bien pris en charge par la filière de revalorisation en France.

Il est urgent de réduire la pression des activités humaines sur les écosystèmes dans lesquels nous puisons l’essentiel de nos matières pour préserver notre approvisionnement en eau potable et la qualité de notre air. Le recyclage est une solution indispensable pour y parvenir car il permet d’économiser les ressources naturelles nécessaires pour produire nos objets du quotidien : du pétrole pour le plastique, du bois pour le papier, du fer pour l’acier et l’aluminium, et du sable silicieux pour nos objets en verre.

Par exemple, une tonne de plastique recyclé évite d’avoir recours à 800 kg de pétrole brut. De la même manière, le recyclage du papier et du carton évite l’abattement de plusieurs dizaines de milliers d’arbres chaque année. Produire une feuille de papier A4 consomme en moyenne 5 litres d’eau.

C’est une économie indispensable lorsque l’on sait que 90 % de la consommation mondiale d’énergie repose sur des ressources non renouvelables et qu’il est urgent de réduire notre dépendance aux énergies fossiles.

Il contribue également à limiter le réchauffement climatique en diminuant les pollutions dues à l’incinération et à l’enfouissement des déchets.

Cependant, le recyclage tel qu’il est effectué aujourd’hui ne permet pas de prendre en charge tous nos déchets revalorisable ce qui nous éloigne encore de l’idéal de l’économie circulaire.

Les limites du recyclage 

Malgré de très nets progrès, la majeure partie de ce qui pourrait être recyclé ne l’est pas encore. Il y a plusieurs facteurs d’explication.

Tout d’abord, les coûts de gestion des déchets. Ces derniers ont explosé ces dernières années, tandis que le prix du pétrole a rarement été aussi bas. La fabrication de matières neuves apparaît alors comme bien meilleur marché que le développement du secteur du recyclage.

À cela s’ajoute les erreurs de tri qui restent nombreuses, qu’elles soient volontaires ou involontaires. Les consignes du tri sélectif sont parfois complexes et elles varient selon les régions, et restent donc mal connues pour bon nombre de foyers.

D’autre part, une grande part des matériaux se dégradent au fil des recyclages, jusqu’à devenir totalement inutilisables. Ils ne sont alors plus recyclables et partent à l’incinération ou en décharge. Seuls le verre et le métal peuvent véritablement s’insérer dans un concept d’économie circulaire car ils peuvent être recyclé à l’infini.

Cependant, même pour le verre et le métal, cela reste à nuancer. Un objet en aluminium recyclé peut rarement conserver le même usage. Par exemple, une canette en aluminium donnera rarement naissance à d’autres canettes en aluminium car le processus altère la qualité du matériau et que la fabrication de canettes nécessite l’utilisation de métaux très purs. Au final, l’aluminium censé être l’un des matériaux les plus facilement recyclables ne pourra être intégré ici qu’en circuit ouvert, c’est à dire mélangé à de d’autres matériaux à la suite de son recyclage pour former des pièces moins exigeantes. 

Les emballages évoluent. De nouveau matériaux font leur entrée sur le marché comme notamment les gammes de plastiques biodégradables.

Et les bioplastiques ?

Le terme bioplastique regroupe les plastiques biosourcés, issus du blé, du maïs, de la betterave, de la canne à sucre ou de la pomme de terre. Les plus communs sont le bio PE (polyethylène), le bio PET (polyéthylène téréphtalate) et le PLA (polylactide). Et les plastiques biodégradables, qui sont censés se dégrader en éléments comme le carbone, l’hydrogène, et l’oxygène lorsqu’ils sont placés en compostage industriel.

Les bioplastiques ne représentent pour le moment que 1% de la masse de plastique produite mais ils font beaucoup parler d’eux.

Ils représenteraient une solution écologique au problème de la pollution car ils sont issus de ressources naturelles renouvelables.

Mais cela pose un problème en soit : la culture de produit alimentaire destiné à la production de bioplastiques. Si la production des bioplastiques augmente, les cultures alimentaires et les cultures pour le plastique seront en concurrence.

La culture des bioplastiques est certes renouvelable mais elle n’a pas que des avantages. Ces cultures entrainent l’usages de pesticides et engrais, voire d’OGM, sont aussi extrêmement gourmandes en eau. Selon L’Atlas du plastique, pour produire une tonne de PLA, il faut 2,39 tonnes de maïs, ce qui nécessite 0,37 hectare de terre et 2 921 m3 d’eau.

Au final, l’impact global des bioplastiques sur l’environnement n’est pas meilleur que pour leurs homologue pétrosourcés. Ils ont certes un impact carbone moins important mais leur impact écologique global est supérieur.

On attribue souvent aux bioplastiques l’avantage d’être biodégradables mais parmi les bioplastiques produits aujourd’hui, moins de la moitié (44 %) sont réellement biodégradables en raison des transformations chimiques qu’ils ont subis.

Lorsque les bioplastiques sont effectivement compostables, des conditions industrielles sont requises. Il ne faut donc jamais jeter les déchets dans la nature, où ils ne se dégraderont jamais.

Pour disparaître, le bioplastique doit être chauffé à 60 °Celsius pendant plusieurs semaines pour donner du compost exploitable. Le compostage et le recyclage des bioplastiques biodégradables est encore marginal car les circuits de collecte sont moins développés que ceux des plastiques classiques et que cela coûte cher de les développer. Ces déchets sont donc souvent incinérés.

Les bioplastiques peuvent être intéressants pour diversifier les matières premières, limiter la dépendance au pétrole (en utilisant des matières renouvelables) et permettre un « recyclage » naturel s’ils sont biodégradables.

Mais le bioplastique n’est pas une solution miracle. Tout au long de son cycle de vie, il génère des impacts sur l’environnement tout aussi nocifs que son homologue conventionnel. Car il ne faut pas oublier qu’utiliser des produits jetables consomme des ressources et de l’énergie pour leur production et leur transport, même quand ils sont en bioplastiques et compostables.

De plus, le bioplastique comporte un risque d’effet pervers : à force de le présenter comme écologique et sans risques pour l’environnement, le bioplastique pourrait bien générer un effet rebond et freiner nos efforts pour réduire notre production de plastique. Car il s’agit bien là de la stratégie principale à adopter.

Nous devons d’abord nous efforcer d'utiliser le moins de plastique possible, même « bio » ; de bannir le plastique à usage unique même si ces objets jetables sont biodégradables. C’est seulement après cela que l’on peut recourir aux bioplastiques, de préférence non issus de cultures alimentaires.

Les bioplastiques, comme les plastiques et les autres déchets doivent être urgemment réduits. Pour cela, nous pouvons appliquer la pyramide des trois R : réduire, réutiliser, recycler. Réduire : en trouvant des substituts (pailles en métal, couverts en bois). Réutiliser : cesser l’usage unique et prolonger la durée de vie de nos objets. Recycler : le recyclage doit devenir un réflexe systématique. Même si les habitudes changent progressivement, nous avons encore une belle marge de progression : on estime entre 25 et 30% le taux de recyclage du plastique dans les pays occidentaux et on ne dépasserait pas les 10% de plastique recyclé dans le monde selon la banque mondiale en 2019.

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